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ça commence avec une lèvre supérieure dépassée par la mousse d’un expresso, le chaud liquide, la boisson brune a glissé sur la langue, a excité le palais, a coulé dans la gorge, a chauffé le sternum, stimulé le cerveau et maintenant la mousse tiede fait l’escargot en retard depuis le fond de la tasse pour inonder cette lèvre ourlée qui appartient à une femme à peau de crème, elle a la tête en arrière et les yeux fermés, yeux qui voient rouge sang, un fort rayon de soleil les inonde, cette mousse brune qui nappe sa lèvre la fait bander dans la chaleur du ciel derrière ses vermillon paupières, sa peau de crème jaune-de-Naples, rutile, ses aisselles coulent, elle s’applique un gel frais et appaisant sur le ventre et les clavicules mais ça chauffe aussitôt et ruisselle, elle est rissolée dans son jardin, elle pisse de joie dans l’herbe à ses pieds, il n’y a personne pour l’aider, elle s’érogènise solitaire soyeuse, s’embrasse, s’embrase, prend feu, ses doigts vont vite dans un silence réspiré, elle se branle dans son jardin clos, un grand sourire sur ses lèvres brunies par la mousse de café, elle sait que personne ne la voit…le sourire, les yeux fermés, elle suce son pouce, l’index courbe son nez, l’autre main se frotte son jardin qui coule, s’allonge dans l’herbe, se love autour de ses genoux comme un œuf, elle pense un œuf, oui, qu’elle prend dans la maison, un œuf froid et blanc qu’elle s’enfonce, d’abord dans la bouche puis entre d’autres lèvres, il la fait sentir remplie, sa forme est si douce et pleine, comme une couille mais dure et froide, elle joue à le pondre, se ravise, l’attire dedans, se love encore, l’herbe brille ses lames devant ses yeux, ses narines se dilatent envahies de l’indécente verdure du printemps, elle s’entoure de ses bras, un nouveau sourire, elle pond l’œuf lentement à jouir et rire franc…ses doigts courent sur son enveloppe charnelle cherchant des rebonds et des interstices, elle est seule et heureuse, c’est un matin chaud printemps, la saison lui donne envie de voyager, elle reprend l’œuf, le casse doucement contre une pierre de son jardin, l’ouvre sur son ventre où le jaune se loge entier dans le puits de son nombril, le blanc coule sur les pentes, vers les hanches, les aines, son jardin…
s’endort, le blanc seche, pellicule qu’un petit vent chair-de-poule soulève, le ventre ressac respire, perfore la membrane et le jaune coule à son tour vers le mons, le dépasse par un filet jaune vif sur le carmin lisse des petites lèvres faisant opercule fragile qui se transparente alors qu’elle écarte les adducteurs internes…elle est grande ouverte, seule au soleil, immobile, l’œuf dispersé seche sur sa peau de crème, seul bouge son ventre forcé par le diaphragme vital instinct, le sourire se retire de la bouche lentement mais reste dans les yeux qui s’entrouvrent, elle se roule et l’herbe coupée colle à l’œuf sur ses hanches, son ventre…elle se dit qu’elle va rester comme ça poisseuse, herbue, elle se fait une grillée tartine foie-gras, avale un verre de sauternes dans son jardin clos et calme, elle n’a besoin de rien ni de personne, elle existe, elle est, elle reste, elle dure, persiste, s’obstine, insiste, obtient, détient, défie, se délie, se délecte, se désarçonne…l’amorce de la journée, lire une bande décidée, dérouler le ruban volontaire d’un temps particulier…
se voit à cheval, à nu, les deux, à cran, le crin au garrot rythmant les aller-retours de son clitoris nonchalant avec la marche brulante et lente de l’animal qu’elle laisse aller à son gré, baisser la tête pour prendre une bouchée d’herbe fraiche qu’il mâchonne, elle en sent dans ses cuisses les vibrations mâchoires…si elle savait hénnir, elle gueule, crie, chante, jure, s’invective, s’insecte, sectionne, s’exprime, s’exhibitionne devant la glace du jardin clos, s’entoure d’un drap blanc, d’un autre puis trois, se fait un bain de liquide plâtre, s’extrait à temps…le soleil l’immobilise dans son carcan blanc, debout, elle ramasse ses forces, craquèle le plâtre étui, renait nue, abandonne sa chrysalide, il est midi, elle le voit à sa porte, il est à sa portée, l’imago, le sien, elle l’assume, s’y appuie, l’avale, l’assimile, le digère, le chie, le conchie, le méprise, l’abandonne…pas besoin d’être adulte, responsable, sérieuse, pas besoin d’avoir des besoins, juste vivre, légume, limace, lémurien, végétable, muette dans son jardin clos, calme plat, tagliatelles fumantes dans une assiette creuse, un verre de rouge, le journal pour feuilleter les voisins, un bon lit, une bonne litterature sans rature, sans rat, sans rapt….un coïtus inter.-.national de temps en temps, que demander de plus ? le soir va arriver elle le sait, la nostalgie des autres soirs, l’effort de la crépuscule, renacler au coucher mais l’imminence de la délicieuse position allongée, lâcher le corps horizontal, soulager les fatigues musclées, fermer les yeux sur le monde noirci, écouter la pluie sur le toit pluvieux, le vent dans le grand laurier venteux, les chiens s’apostrophent, les nuages grattent la lune décroissante, l’odeur de cêpes sur ses doigts recueillie entre ses jambes, la nuit épaissit ses paupières encore chaudes du jardin, son corps se souvient de ce jour passé, du café, de la mousse, de l’œuf, des jurons, du cheval, du plâtre, de la solitude aimée, des legumes et des livres…
le noir arrive comme le nappage d’un gâteau, épais, collant, paisible, elle part dans les profondeurs… le trou noir, le trou heureux, le trou à explorer, à combler, à creuser, à mettre le petit doigt, à y laisser le bras, les bras lui en tombent, perplexe, les parois d’un rêve difficile, récurrent…poursuite, fuite, compression, la boue d’argile ocre-jaune, la lune, des pignons noirs de mécanismes incompréhensibles, une plainte, une plaine, une lumière, un soulagement, ça mouille, ça chatouille, ça crème aux œufs, elle s’étire, ses longues jambes se tendent, élongation, courbature, éreintée…les hommes quelle merde, idiots, cro-magnons, faciles, vides, les femmes pas mieux, jalouses mémoires, reproches, victimes, revendicatives, allumeuses, éteigneuses…elle-même, même elle, chamelle, mamelle malmenée, montrée, mémorisée, elle la mutile sa mamelle ustensile, ostensible, extensible, érectile, herbivore, ses tétons sont jaloux l’un de l’autre, se jouent des tours de taille, elle en perd le contrôle…puis elle n’aime pas le rouge à lèvres, les femmes enduites, peinturlurées, les talons aiguilles, la démarche des défilés, les hommes qui frappent, les couples qui se crient dessus, elle les entend qui s’époumonent depuis son jardin, l’un contre l’autre, contre l’enfant, contre le chien…une nouvelle journée démarre, il fait soleil, il va lui falloir un petit café…